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Conclusion

La compréhension des textes, longtemps conçue au sein de processus automatiques, est située dans ce travail au sein d'un acte de communication. Cela veut notamment dire que le rôle fondamental de l'agent humain dans la production du sens n'est pas dissimulé par une surévaluation des capacités de traitement symbolique de la machine.

Cependant une telle conception anthropocentrée de la production du sens, tout en restant loin d'un automatisme informatique, ne dévalorise pas l'utilité d'une assistance que l'outil informatique peut proposer. Cette assistance se place sur un plan méthodologique et guide le lecteur selon un protocole précis, issu d'une théorie linguistique de l'interprétation sémantique. La SII, qui constitue et une extension intertextuelle et une concrétisation informatique de cette théorie, soumet le processus interprétatif à un ensemble de contraintes concernant l'organisation du matériau textuel, la construction des classes sémantiques et les liens entre le matériau textuel et les classes sémantiques.

L'objectif de ces contraintes est principalement la constitution d'un ensemble d'informations sémantiques qui soient réutilisables tant par les utilisateurs eux-mêmes, que par le système informatique. Ce dernier propose ainsi de plus une assistance sur un autre plan, celui d'une suggestion qui concerne la construction de classes sémantiques, en exploitant de l'organisation de l'espace intertextuel et des informations sémantiques qui y sont établies pendant les interprétations précédentes.

En d'autres termes, le cadre informatique proposé par la SII est construit de manière à forcer le lecteur à expliciter les sources sémantiques à l'origine d'une interprétation dans un texte. De ce point de vue, on pourrait comprendre la SII comme un médiateur, un intermédiaire pour la construction d'un dialogue avec l'homme-utilisateur.

Au cours de ce processus d'extraction d'expertise, qui se réalise à travers le travail sur un texte, les sources sémantiques explicitées par l'utilisateur sont pour la plupart situées à l'extérieur du texte. L'extension vers des classes sémantiques généralisées dans la SII a donc deux facettes complémentaires :

1.
Les éléments d'une classe peuvent être plus larges que l'intratexte ; une classe peut concerner des textes entiers pour exprimer des relations entre textes considérés dans leur totalité, en tant qu'unités.
2.
Plus fondamentalement, la constitution d'une classe sémantique au sein d'un texte demande presque toujours des sources sémantiques provenant d'autres textes (ne serait-ce que des sources tirées d'un dictionnaire).

Jusqu'alors, les théories de l'intertextualité, cherchant à rendre compte de phénomènes d'un haut niveau d'abstraction, ont beaucoup moins insisté sur une intertextualité présente dans la constitution de pratiquement toute classe sémantique. La notion d'interprétant intertextuel (c.-à-d. source sémique issue de l'interprétation d'un -- autre -- texte) que nous avons intégrée dans la définition d'une classe sémantique pousse le lecteur à limiter ou à marginaliser les attributions arbitraires et offre ainsi au système informatique un potentiel de réutilisation et de suggestion sémantique, fondée sur la matière existante. Ce potentiel est nécessaire dans la perspective d'un outil d'assistance à la compréhension partagé par plusieurs utilisateurs.

L'organisation (intertextuelle) du matériau textuel par rapport au matériau sémantique est soumise aussi à des contraintes fortes de positionnement. Les relations contextuelles sont placées dans un quasi-monde de textes et remplacées par des relations de positionnement intertextuel. Une entité textuelle obtient un sens après l'interprétation de son contenu textuel mais aussi des rapports qu'elle a avec d'autres entités textuelles dans un univers textuel (société de textes). La notion de contextualisation est remplacée par celle d'une intertextualisation qui offre au lecteur trois directions pour déterminer le sens d'une entité textuelle : celle du contenu textuel positionné dans l'entité, celle de l'entité englobante où l'entité est positionnée et celle des entités positionnées dans la même entité englobante (ce qu'on pourrait traduire par << contexte textuel >>).

En mettant en \oeuvre le modèle informatique pour la SII, nous avons pris conscience de son adaptabilité élevée à une technologie informatique actuellement en pleine émergence. L'information sémantique, persistante au sein d'un module indépendant, est combinée avec les mécanismes et les contraintes de la SII pour constituer un cadre informatique avec sa propre dynamique interne opérant comme une composante dans la terminologie objet. Dans ce cas, les applications mettent juste en place la dynamique de l'interaction avec l'utilisateur et réutilisent la même composante du modèle statique. Pleinement justifié dans ce cadre, le langage Java s'est avéré suffisamment flexible. Grâce à une conception et une modélisation à l'aide d'UML, ainsi qu'à l'aide des facilités de développement existantes (notamment Java Foundation Classes et JavaBeans), il nous a permis d'effectuer un développement rapide, solide et portable.





Relativement à un monde dominé par le thème de la société de (télé)communications et << noyé >> dans de la sur-information, la nécessité de ce travail est celle de comprendre ou d'aider à comprendre. Selon les principes de la SII, il est autant illusoire de rechercher le sens d'un mot sans d'abord situer le mot dans un texte, que de rechercher le sens d'un texte sans d'abord situer le texte dans un univers textuel de lecture, l'anagnose. Outre leur apport sémique propre, les relations établies au niveau intertextuel (au sein d'une anagnose) servent aussi à la constitution des classes sémantiques intratextuelles : elles orientent la recherche des interprétants sémantiques textuels (qui sont de véritables sources sémiques). Les articulations du sens traversent alors les niveaux textuels. Cependant, ceci ne conduit pas à des relations chaotiques. Bien au contraire, dans le cadre de la SII, l'organisation du matériau (inter)textuel garantit une assistance effective à la compréhension.


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Theodore Thlivitis, 1998