Une anagnose est, donc, la projection textuelle de l'univers interprétatif du lecteur. Les textes étant considérés comme les unités les mieux adaptées à l'interprétation, une anagnose constitue un espace textuel de positionnement d'un ensemble de textes.
De cette façon nous finissons par soutenir une vision textuelle de la contextualisation. Dans le quasi-monde de textes (cf. 2.1.3), la référence à un contexte devient positionnement au sein d'une entité textuelle englobante.
Une lexie reçoit un sens plus précis dans le contexte d'une phrase. Une phrase dans le contexte d'un texte. Un texte, à son tour, reçoit un sens précis dans le contexte d'une anagnose. Les agents de ces contextualisations ne sont pas les mêmes. Comme dans le cas du contexte non linguistique.
En effectuant une telle hypothèse, assez restrictive pour le cas général de la représentation des connaissances, mais envisageable pour le cas de la littérature (cf. 2.1.3) nous rejoignons un résultat en apparence étonnant dans [84, p.185 et sq.] : << (...) il n'y a pas de différence entre la représentation d'un objet et d'une catégorie >> (p.192), la catégorie étant précisément << (...) un contexte qui ``contient'' l'objet. >> (p.189). En effet, pour nous aussi, la limite entre le texte et l'anagnose doit être désignée pour ensuite être abolie : rien ne peut être véritablement texte sans anagnose.
Ici, donc, l'objet d'étude et son contexte s'unifient par un moyen commun : la textualité. La mise en contexte est opérée à l'aide du positionnement textuel, entre les entités de différents niveaux de textualité :
Dans le texte est présent l'auteur, par ses choix et les rapports sémantiques qu'il explicite, selon ses objectifs et compétences génératives.
Dans l'anagnose est présent le lecteur, par ses choix, issus de ses intentions et bien sûr de ses compétences interprétatives.
L'avantage est une représentation uniforme à l'aide d'un univers textuel qui n'éprouve point la nécessité d'une référence à un monde prétendument réel. La connexion au monde réel est effectuée par la prise en compte (en tout cas obligatoire) de l'agent humain, par l'engagement dans une action commune sémiotiquement réglée. Dans le cas particulier d'une application d'aide à l'interprétation, l'interaction de l'agent avec le système est fondée sur un monde symbolique uniforme et uniformément organisé, ce qui présente des avantages considérables en termes d'ergonomie de l'interaction et de structures et algorithmes informatiques (cf. chap.5).