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Le rôle de l'auteur

 

Dans le cadre d'un intertexte synchronique où le passé est transformé en même temps que le présent à travers une \oeuvre actuelle, se pose la question du rôle de l'auteur dans ce processus de transformation.

Dans ce processus continu qui modifie sans cesse ce qui existe, l'auteur ne disparaît pas pour T.S. Eliot ou H.G. Gadamer. C'est lui qui, ayant assimilé le passé (tradition littéraire), est à l'origine de la << filiation >> entre le texte passé et le texte présent. Une telle vision cherche précisément à dépasser la scission traditionnelle entre diachronie et synchronie. Du point de vue de la théorie herméneutique, c'est le concept d'historicité qui semble mieux décrire le caractère d'un tel dépassement (cf. [25]).

L'auteur devient ainsi une sorte de catalyseur qui provoque la synthèse. Et en tant que catalyseur, l'auteur est indispensable mais absent du résultat. Il est en quelque sorte << effacé >>, ne laissant que quelques traces dans un texte dont le caractère devient principalement intertextuel (cf. [25]).

Dans un contexte anthropologique, le bricoleur de Lévi-Strauss [46] opère un peu comme l'auteur de T.S. Eliot. L'indigent utilise les termes et opérations de sa culture de façon << mythique >>, i.e. en combinant l'ensemble fermé de ces moyens existants. Même s'il ne produit pas, à vrai dire, une nouvelle science, ce bricolage lui permet une infinité de combinaisons de la matière existante pour produire une nouvelle formation de cette matière (mythe), offrant une nouvelle façon de voir, de comprendre et de faire. Données et méthodes deviennent objets de nouveaux usages, peu importe qui en est l'émetteur. Finalement il n'est pas important, écrit Lévi-Strauss, si dans ce livre les processus de la pensée des indiens sud-américains prennent forme à travers ma pensée ou si mes pensées prennent forme à travers la leur [47].

Dans cette approche aux couleurs post-structuralistes, le sens du texte doit être recherché dans la totalité de la production littéraire, antérieure et postérieure2.17. Même pour un instant de la flèche du temps littéraire, une telle entreprise reste pour nos moyens informatiques pratiquement impossible. Pour nous, la présence du lecteur - interprète est indispensable pour << boucler la boucle >> et << trancher >> une interprétation dans le continuum de la transformation littéraire. Il peut choisir une vue particulière de cet ensemble qu'il analysera en produisant une interprétation restreinte mais suffisante, close mais convenable pour ses objectifs, à l'image d'un auteur qui produit de textes qui, même s'ils sont finis ou contraints par des normes d'une pratique et d'un genre, peuvent être incommensurablement riches. Un tel choix est donc nécessaire pour accéder à une interprétation opératoire. D'ailleurs il est tributaire de la culture. Et la culture est un choix constant.

Précisément, c'est le lecteur qui instaure, structure et poursuit la communication représentée avec l'auteur, qui est considéré comme actant2.18 dans l'univers2.19 des relations dialectiques du texte. Puisque la communication n'est pas réelle, le << taux >> de conformité à des normes intersubjectives relève aussi du choix du lecteur.


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Theodore Thlivitis, 1998