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Conclusion

Pendant ce travail, qui reprend la Sémantique Interprétative et les théories de l'intertextualité et les réinterprète synthétiquement en tant que méthodes (outils) théoriques pour les besoins applicatifs d'un cadre opératoire unifié, la Sémantique Interprétative Intertextuelle, nous avons fait quelques constatations et nous avons établi quelques hypothèses que nous allons essayer, dans les chapitres qui suivent, de rendre opératoires :

En deux mots et en risquant d'être trop laconiques :

le sens d'une partie d'un texte est établi par l'interaction d'un lecteur avec un univers de textes.

Un des principes de la SII, ayant comme objectif de mieux organiser la matière sémantique et textuelle pour une réutilisation informatique efficace, est l'intégration de trois notions fondamentales sous le nom de classe sémantique généralisée ( CS) : interprétation, intertextualité et interprétant sémantique sont pris en compte pour éviter les attributions sémiques arbitraires et/ou non réutilisables. Une telle entreprise repose sur trois principes :

1.
Il n'existe pas d'interprétation textuelle sans considérer un intertexte
2.
Il n'existe pas d'intertexte sans avoir effectué une interprétation textuelle
3.
Le rôle de l'interprétant est précisément de connecter deux interprétations au sein de l'intertexte : un ensemble d'interprétations issues de différents parties de l'intertexte deviennent interprétants pour la constitution d'une nouvelle interprétation au sein d'une autre partie de l'intertexte
L'aspect apparemment paradoxal des deux premiers points est résolu de la manière suivante : en commençant par des interprétants triviaux et non pris en compte dans le formalisme, nous établissons un premier ensemble d'interprétations ; celles-ci peuvent ensuite devenir interprétants pour la construction de nouvelles interprétations, et ainsi de suite. Résolution se souciant sans doute du côté formel : nous sommes conscients que les vrais mécanismes cognitifs derrière la mise en place d'une interprétation ne semblent pas suivre cette construction bien hiérarchisée. Mais cette question ne concerne pas directement notre travail.

Ce mécanisme d'interprétation appuyée sur des interprétants possède la propriété suivante. Lors de l'analyse d'une partie d'un texte le lecteur utilise les traits sémantiques afférents : dans le cadre de la SII cette afférence n'est pas directe mais elle doit être basée sur des interprétants, probablement venant d'autres textes, donc des interprétants intertextuels. Ces interprétants sont issus précisément de l'interprétation d'autres parties textuelles. Et pour interpréter chacune de ces parties (situées par exemple dans différents textes) un nouvel ensemble d'interprétants aura été nécessaire, complexifiant ainsi le parcours interprétatif. Tandis qu'un trait sémantique inhérent en langue est issu de l'interprétation directe d'un dictionnaire (parcours en une seule étape).

C'est d'ailleurs ce qui était prévu par F. Rastier dans [60] : << la distinction entre sèmes afférents et sèmes inhérents reste relative : elle ne marque une différence de degré plutôt que de nature, si l'on considère la longueur et la complexité des parcours interprétatifs qui permettent de les actualiser. >> (p.55). L'intégration de l'interprétant intertextuel dans la définition d'une CS explicite une facette de ces parcours interprétatifs. Nous pouvons légitimement espérer que, dans le cadre de la SII, une afférence abusive et totalement arbitraire demandera une longue chaîne de passages << interprétation $\rightarrow$interprétant $\rightarrow$ interprétation >>. Si ce long parcours interprétatif ne dissuade pas un lecteur trop productif, il pourra du moins servir à fonder des comparaisons entre différentes interprétations.


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Theodore Thlivitis, 1998