-- UMBERTO ECO (Le pendule de Foucault)
La réponse se situe autour d'un objectif de réutilisabilité des relations sémantiques, synonyme d'une notion de cohérence au sein d'une analyse et entre différentes analyses. Il s'agit donc de contraindre l'interprétation, en ajoutant quelques règles qui régissent uniformément les mécanismes de l'interprétation et non pas les interprétations elles-mêmes.
Basé sur ces contraintes l'ordinateur pourrait effectivement faire des comparaisons et combinaisons de la matière existante, des calculs de possibilités et de probabilités, utiliser des heuristiques pour éliminer des cas ou pour en trouver de nouveaux ; bref, effectuer un ensemble d'opérations symboliques en réutilisant la matière existante pour arriver à suggérer à l'utilisateur un ensemble de possibilités, e.g. un ensemble de relations sémiques, et assister de cette façon son interprétation.
Sans ces contraintes, cet effort est vain. Si, par exemple, chaque analyse trouve différents sens pour les mêmes éléments dans les mêmes contextes selon des critères ad hoc (i.e. pour un texte les relations sémantiques ne dépendent d'aucune façon de celles établies pour d'autres textes) alors la compréhension devient un jeu sans règles : on peut comprendre ce qu'on veut comprendre (la seule << assistance >> automatique possible est alors la génération aléatoire de significations).
Or, la Sémantique Interprétative, précisément, offre un cadre théorique qui régit les mécanismes de l'interprétation. Généralement d'une interprétation. Pour en gérer plusieurs, effectuées par le même utilisateur ou par plusieurs, concernant le même texte ou plusieurs, appartenant à la même pratique ou à plusieurs, l'outil informatique doit enrichir ces mécanismes avec des contraintes portant, cette fois, sur les relations entre différentes interprétations : comment une interprétation en engendre-t-elle une nouvelle ? où faut-il chercher ses interprétants sémantiques ?
Les dépendances entre interprétations dépassent la limite de la localité textuelle : l'analyse d'un texte dépend de l'analyse d'un ensemble d'autres textes, voire d'un ensemble de dictionnaires, etc. Les contraintes et prémisses de la construction d'une interprétation sont de manière inhérente intertextuelles. L'espace de la formation et de la réutilisation d'une matière sémantique devient l'espace (inter)textuel entier, organisé de manière adéquate.
Nous allons faire une hypothèse supplémentaire : que cet espace textuel est suffisamment large pour soutenir les processus d'interprétation. Nous postulons donc, comme nous allons le voir en détail dans la suite, qu'il existe une certaine clôture sémiotique au sein d'un quasi-monde de textes, créé et géré par le(s) lecteur(s).
Dans cet univers textuel géré et interprété par les utilisateurs1.1, le rôle de l'outil informatique est déplacé. L'automatisme donne la place à un encadrement de l'effort interprétatif du lecteur, dans un processus anthropocentré de production de sens. La machine organise, compare, combine, et propose, avec comme objectif de faciliter la prise de décision de l'utilisateur et non pas de se substituer à lui.
Notre application est précisément fondée sur un
modèle informatique qui s'efforce à respecter les processus
et les contraintes interprétatives au sein d'un quasi-monde
intertextuel, déjà évoqués. Le reste est structure
et modélisation : le modèle de la Sémantique Interprétative
Intertextuelle ( SII) et ses assises théoriques
sont présentés dans le chap.3
; ses aspects formels dans le chap.4
; et ses aspects applicatifs dans le chap.5.