L'opérateur de liaison intertextuelle (
)
est défini
relativement à une entité positionnée, e, et une classe
attribuante
.
Le rôle d'un tel opérateur est fondamental pour une interprétation
intertextuellement fondée. Sa mise en uvre est plutôt une heuristique algorithmique qu'une définition formelle. Ici nous allons
justifier les principaux points d'une première mise en place sans
exclure un possible affinement dans le cas précis d'une utilisation
particulière.
Dans le cadre de la constitution d'une nouvelle CS (et, par
extension, dans toute interprétation), les entités textuelles (e.g. les
lexies d'un texte) reçoivent des attributions sémiques. Cette phase du
travail interprétatif est très importante mais impossible à prévoir
informatiquement, car typiquement dépendant de la compétence
interprétative d'un agent humain. Ce que nous proposons, au contraire,
en incluant les interprétants (sous la forme de classes
attribuantes) dans la description sémantique, c'est tout simplement
d'inscrire cette phase importante au sein d'une description plus
large, intertextuelle, et forcer l'utilisateur et lecteur d'expliciter
les éléments de cette description, qui sont implicitement mis en uvre pas sa compétence interprétative. Cette explicitation doit être
intrinsèque, i.e. doit utiliser des ressources sémantiques glanées à
l'intérieur d'une anagnose définie.
Dans le processus de l'attribution sémique, une étape généralement implicite, mais informatiquement fondamentale, concerne le rapport entre la source d'information sémique utilisée lors d'une construction d'une CS et sa cible, l'entité textuelle, constituant un élément de la future CS. C'est dans l'objectif de pouvoir décrire cette relation, en principe intertextuelle comme on le verra, que nous avons besoin de l'opérateur de liaison intertextuelle.
Pour prendre un exemple, dans l'analyse du Salut de Mallarmé, dans [57], le trait sémantique /navigation/ est attribué à 'poupe' en raison de la mention maritime dans un dictionnaire. Accepté sans aucune difficulté par l'homme, le passage de /maritime/ à /navigation/ pour 'poupe' n'est pas direct pour le système informatique. Si l'on veut attribuer /navigation/ à 'poupe' il faut utiliser une source sémique où 'poupe' est directement liée à /navigation/ ; par exemple, en construisant une nouvelle classe qui prend en compte la relation entre 'maritime' et 'navigation' et entre 'poupe' et 'maritime', ou d'une autre manière, peu importe. Ce qui importe, c'est qu'à la fin de ce pré-travail, dans le dictionnaire, soit retrouvée ou constituée4.11 une classe selon laquelle le trait /navigation/ est affecté à 'poupe'.
Pour pouvoir effectuer une attribution sémique, il faut donc, dans un
premier temps, << normaliser >> la source par rapport à la cible. Ceci
est généralement possible en utilisant une source sémique (i.e. une
classe attribuante) avec une entité textuelle identique à
l'entité textuelle cible, au sens où l'entité textuelle type est
la même mais l'entité occurrence peut-être différente. Un
premier indice de << liaison >> entre une source sémique (
)
et sa cible (e) est donc la relation
entre les
entités textuelles concernées, c.-à-d.
Dans un deuxième temps, en vertu d'un postulat de localité contextuelle, nous exigeons que les sources sémiques d'une attribution sémique et leurs cibles soient << textuellement >> proches : si le lecteur utilise une information sémique tirée de la note biographique sur l'auteur, alors il faudra qu'il incorpore cette note dans l'espace textuel de son analyse (son anagnose).
Ceci a un double avantage pour l'assistance :
Une telle localité contextuelle est établie dans le cas, par
exemple, d'une attribution sémique où l'entité-cible (e) est une
lexie
et
l'entité-source (e') est une autre lexie
,
si les lexies sont situées dans
des textes qui appartiennent au même espace textuel (c.-à-d. de
textes situés dans la même anagnose).
Ce dernier, si on ne considère pas les positions des anagnoses, est
noté
.
Pour résumer, nous explicitons ici de façon formelle le postulat de
localité textuelle pour deux entités positionnées e et e',
faisant partie d'une attribution sémique représentée par le couple
.
L'opérateur de liaison intertextuelle
(
)
sert précisément d'indice de cette localité
textuelle. Comme nous l'avons déjà vu, la contrainte
est
posée avant qu'une nouvelle attribution sémique soit effectuée dans le
cadre de la construction d'une nouvelle CS.
La définition générale de l'opérateur
est la suivante :
où
La définition de
et
dépend des types des entités e et
e'. Nous distinguons cinq cas :
Nous rappelons que
est définie comme une relation, donnant
des valeurs vraies ou fausses. Pour simplifier
l'expression des formules, nous utilisons la transformation,
habituelle en informatique :
est juste une relation d'identité entre les positions
des entités positionnées e et e' relativement à l'entité
englobante. Par exemple :
Les constantes
c1,...,c7 sont définies selon l'importance
relative que l'on veut donner aux différentes parties qui
constituent la valeur finale de la liaison intertextuelle. Les
valeurs dépendent de l'heuristique mise en uvre dans une
application précise. Certes, si l'on veut que
prenne des
valeurs dans l'intervalle [0,1] il faut postuler que :
Le besoin d'une liaison intertextuelle est issu cette fois d'une attribution sémique dont les extrémités sont deux textes (le texte source et le texte cible) considérés en tant qu'unités 4.12 : nous voulons << passer >> quelques traits sémantiques caractérisant un texte occurrence vers une autre occurrence du même texte type. Pour que ce passage ait un sens, nous exigeons la proximité des deux occurrences au sein de l'espace textuel de l'analyse. Puisque cet espace est l'anagnose, les deux textes doivent être placés dans la même anagnose. Nous avons alors :
Les définitions de
,
,
et
sont comme
avant. De même les constantes c5 et c6 doivent remplir la
contrainte :
Par exemple, si l'on considère que la proximité entre deux textes
qui sont égaux est moins grande que la proximité entre deux lexies
égales4.13, on peut avoir c5=c2 et c6=c3. Mais la
définition exacte est une question de l'application et des
heuristiques mises en uvre.
Dans ce cas aussi, et selon toujours le même raisonnement, on pourrait poser c7=c2.
Le problème est le suivant : nous voulons pouvoir faire une attribution sémique sur un texte entier à partir d'une attribution sémique sur une lexie qui se réfère à ce texte.
Par exemple, supposons que dans une note écrite par l'auteur d'un texte, il est dit que le texte en question est un hommage à un tel autre auteur. Cette information, intéressante pour l'institution d'un certain nombre de relations intertextuelles, est attribuée sur une lexie de la note, mais concerne en effet le texte entier et devrait pouvoir y être attribuée.
L'importance de ce cas mixte de liaison intertextuelle, réside sur le fait qu'il donne la possibilité d'intégrer de tels traits sémantiques (issus d'attributions sémiques sur de lexies et concernant un texte entier) de façon naturelle parmi le reste des attributions sémiques.
Dans ce cas :
Les possibilités de référence étant infinies et informatiquement non identifiables (allant de la référence pronominale, jusqu'à la référence implicite), nous laissons à l'utilisateur le soin d'expliciter de tels rapprochements entre lexies et textes.
Une remarque importante ici concerne le fait qu'un tel
rapprochement, même s'il n'est pas identique à la correspondance
établie entre une lexie source et une lexie cible dans le cadre
d'une attribution sémique, reste quand-même très proche, car il
concerne une attribution sémique dont la source et la cible
appartiennent au matériau textuel. Simplement, l'usage de la
langue dans un texte permet les passages entre différents niveaux de
textualité. Si on accepte que dans un espace textuel commun, une
lexie peut apporter sa charge sémantique à une autre occurrence de
la même lexie type, nous ne voyons pas pourquoi elle ne pourrait
pas, de la même façon, apporter sa charge sémantique à un texte
auquel elle se réfère.
En ce qui concerne les constantes
c8, c9, c10 il faut, comme
toujours, avoir
Cette fois le passage se fait entre une lexie et une anagnose entière. Une telle attribution pourrait concerner le type d'analyse pratiqué dans une anagnose, ou décrire le fait qu'une analyse est fondé sur une telle autre analyse dont elle utilise les résultats.
Le point particulier par rapport au texte est que les lexies qui font référence à l'anagnose ne se trouvent pas normalement dans un texte analysé4.14. Si c'est le lecteur (et utilisateur) qui crée l'anagnose, alors il est responsable des traits sémantiques par lesquels il la charge. Pour cette raison, il possède d'un texte spécial dans l'anagnose (une sorte de dictionnaire personnel ) qu'il peut enrichir d'informations qui lui semblent utiles. C'est principalement dans ce texte que vont se trouver des lexies qui font référence à l'anagnose et dont la charge sémantique peut passer à l'anagnose entière.
Les contraintes textuelles sont donc équivalentes à celles imposées dans le cas du texte, mais cette fois elles s'avèrent plus restreintes :