L'intertextualité n'est pas une invention ! Il existait depuis toujours des pratiques intertextuelles. C'est d'ailleurs l'argument d'une partie des critiques adressées aux théories de l'intertextualité qui affirment qu'il s'agit d'une pratique qui date de plus de deux mille ans (depuis l'antiquité greco-romaine) et que la nouvelle terminologie n'en a rien modifié d'essentiel (cf. [54]).
Malgré l'existence de pratiques littéraires intertextuelles, la notion d'intertextualité commence à être sérieusement examinée comme objet d'une théorie dédiée beaucoup plus tard : les théories sur l'intertextualité font leur apparition dans les années soixante. Leur objectif est soit simplement d'expliquer les effets intertextuels dans la pratique littéraire en général, soit -- idéologiquement plus connoté -- de re-expliquer, voire révolutionner, les pratiques littéraires classiques.
Les théories sur l'intertextualité les plus connues sont le produit d'une culture européenne -- plus particulièrement française -- qui date des années soixante : Barthes, Kristeva, Derrida, Genette, Riffatterre, sont des auteurs qui ont directement lié leurs recherches à l'intertextualité (e.g. [3], [44], [30], [64], [65]). La notion d'intertextualité semble émerger de l'interaction entre plusieurs courants intellectuels européens de l'époque, mais essentiellement de la linguistique structurale, de la psychanalyse, du marxisme et du post-structuralisme. Mais les idées principales étaient déjà lancées beaucoup plus tôt. Issus de différents domaines d'étude, T.S. Eliot, C. Lévi-Strauss, M. Bakhtine, parlaient déjà de ce rapprochement entre différents textes (ou mythes), par exemple dans [22], [47], [43], [44].
Les réactions culturelles et historiques qui ont produit l'explosion des théories de l'intertextualité à la fin des années soixante sont hors de nos objectifs dans ce travail. Pour les questions sur le << pourquoi >> des théories de l'intertextualité nous renvoyons à [51] où est présenté un aperçu historique et idéologique de cette émergence2.15.
Au cours de notre travail sur l'inter-textualité nous essaierons de rester...inter-théoriques. Notre but n'est pas de générer << encore une théorie de l'intertextualité >> mais d'en étudier quelques principes afin de proposer un nouveau cadre de description sémantique qui :
Ceci demande bien sûr une organisation efficace des structures sémantiques sur un plan intertextuel
Même en respectant les principes de la Sémantique Interprétative, plusieurs possibilités sont offertes au lecteur (cf. par exemple, la possibilité productive ou descriptive dans 2.2.2). Nous voulons construire un système informatique qui permet au littéraire traditionnel d'établir une analyse basée sur les influences historiques, en essayant d'atteindre << le sens >> (<< le message >>) du texte. Mais qui permet aussi bien au post-structuraliste de mettre le récepteur (lecteur) au centre d'une production sémantique basée sur une organisation personnelle de la matière textuelle.
Seule contrainte dans les deux cas : la cohérence de la méthode, qui sera celle d'une Sémantique Interprétative Intertextuelle ( SII), présentée plus concrètement dans les chapitres qui suivent.
Les deux objectifs, organisation efficace et adaptabilité aux différents modes opératoires, sont bien sûr concurrents. Mais nous croyons qu'il existe un milieu qui reste informatiquement plausible et qui peut servir à mettre en place des méthodes de différentes théories de l'intertextualité (et notamment la SII).
Un tel cadre informatique, dans une perspective ultérieure, offrira, à un (méta-)lecteur averti, la possibilité de prendre en compte différentes méthodes de travail intertextuel et -- selon ses objectifs -- de synthétiser, de comparer ou de critiquer les résultats de chacune. Notre objectif final est de permettre la co-existence de plusieurs types de travail intertextuel en utilisant des moyens et des mesures communes, notamment la Sémantique Interprétative intertextuellement étendue (ou SII).